Le bal des folles – de beaux personnages dans un 19è siècle caricaturé

Roman de Victoria Mas, paru chez Albin Michel le 21 août 2019 prix Renaudot des lycéens, prix patrimoine de la Banque Privée BPE, prix Stanislas, prix Première Plume.

Sur le site de l’éditeur : Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles. Le temps d’une soirée, le Tout-Paris s’encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Réparti sur deux salles, d’un côté les idiotes et les épileptiques ; de l’autre les hystériques, les folles et les maniaques. Ce bal est en réalité l’une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.

Voici un résumé qui est très parcellaire. Le bal qui donne son titre au roman n’occupe que les dernières pages, même si il est annoncé tout au long du récit et fait l’objet des fantasmes des différents personnages, patientes, soignants, mondains. Les faits sont historiques, Victoria Mas n’a rien inventé, il semble que les travaux et expérimentations du Docteur Charcot sur l’hystérie se soient effectivement passés tels qu’ils sont décrits ici. Ceci dit, j’ai cru comprendre que le célèbre neurologue a rendu bien d’autres conclusions que celles brièvement apportées dans le roman. Notamment que les stimulations ovariennes n’étaient pas une voie de recherche intéressante. Ce que je veux dire, c’est que nous voyonsiciune étape dans les travaux de Charcot, non pas un aboutissement. 

En réalité, le cadre médical du récit n’est pas l’essentiel. Le sujet ici, ce sont les relations des protagonistes, leurs blessures, leurs espoirs, le tout sublimé par le lieu même du récit : l’Hôpital de la Pitié-Salpetrière qui est un personnage à part entière, entre prison et temple du savoir scientifique. Avec cette inquiétude : peut-on jamais en sortir ? 

Pour tout dire, je me suis assez vite agacée dans le premier tiers du roman. Je suis lasse de ce féminisme que l’on met à toutes les sauces. On voit ici un patriarcat qui sévit dans toutes les classes sociales de cette dernière partie du 19è siècle. J’ai bien compris qu’il était facile de faire interner une épouse, une mère, une sœur, pour peu qu’elle soit gênante pour la famille, ou la société dans son ensemble. L’une se rebelle-t-elle contre son père, son mari, son souteneur ? On s’en débarrasse aisément. D’accord, on peut le concevoir, mais encore et toujours ce sujet, cela fini par être lassant. Bien plus intéressant dans ce livre est d’observer les relations d’aide qui se créent entre les femmes, l’ouverture à une façon de raisonner différente ou d’accueillir la vérité des autres. Ainsi par exemple l’infirmière-intendante, Geneviève, véritable héroïne du roman, qui passe de l’absolu de la science qui la déshumanise à une attention à d’autres dimensions, de l’être. Après 20 ans passés à l’hospice à assister le Dr Charcot, elle comprend qu’elle s’est aussi laissée enfermer et découvre qu’en plongeant en elle-même, elle y trouve un espace de liberté insoupçonné. Et puis tous ces personnages masculins tous plus caricaturaux les uns que les autres, vous je ne sais pas, mais moi, cela me fatigue. Heureusement que le frère de notre dernière internée est pris de remords et démontre que les mâles aussi ont une conscience. Et puis, j’imagine quand même que des patientes sont là pour des troubles objectifs sans l’arrière-pensée de s’en débarrasser mais pour les soigner. 

L’écriture de l’auteure est fluide, incisive, on visualise très bien les différents univers dans lesquels elle nous entraine, des petits-déjeuners bourgeois, aux après-midi de Jane Avril (l’artiste de cabaret La Goulue) avec ses collègues montmartroises. On est bien à Paris en cette fin de 19è siècle, c’est presque comme si on était au cinéma, à voir cette fresque sur écran ! Et que dire des salles, dortoirs, auditoriums, couloirs et chapelle de la Pitié ? Quelle ambiance ! Se laisse lire avec plaisir, mais avec un peu d’esprit critique.

3 commentaires

  1. Châtelaine, je me permets de rajouter qu’il y a peut être aussi un fantasme de la part de l’auteure qui ne s’est pas assez documentée sur le contexte de l’époque pour rédiger ce bouquin, ce qui le rend par conséquent un peu simpliste ? À vous de me dire …

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  2. J’ai trouvé ce livre facile à lire, pas déplaisant, un peu simpliste. Je partage l’avis de notre châtelaine ! J’aurais voulu que le roman soit plus foisonnant – notamment la scène du Bal des Folles qui est complètement ratée alors qu’il y avait de quoi écrire ! Plusieurs adaptations cinématographiques sont en projet, ils dépasseront e, qualité aisément ce livre.

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